jeudi 11 juillet 2013

Histoire 4 : Les Bébés et l'Oiseau



Il était une fois un village tranquille où vivaient en harmonie les hommes, les femmes, et les enfants.




Les femmes qui attendaient des bébés étaient reliées à eux par le cordon ombilical. Comme toutes les femmes du monde. Sauf que dans ce village-là, les bébés ne se développaient pas dans le ventre, mais à l'extérieur. C'était comme s'ils flottaient dans l'air. Et quand les bébés étaient assez grands, le cordon se détachait tout seul.




Un jour, un grand oiseau au bec tranchant arriva dans le village et prit l'habitude de couper le cordon ombilical reliant certaines femmes à leur futur enfant. Les bébés qui n'étaient pas suffisamment développés mouraient. Les autres s'en sortaient. C'était la panique générale. Mais personne ne pouvait rien y faire. L'oiseau recommençait. 



Alors, un enfant parmi les autres se sentit rempli de colère. Il n'en pouvait plus d'assister à ce spectacle. Il décida de partir jusqu'au repère de l'oiseau pour l'empêcher de revenir. 




Il suivit l'oiseau à travers les plaines désertiques, les amas de rochers, les rivières tumultueuses. Il ne fallait pas qu'il le perde de vue. 





Finalement, il arriva, essoufflé, jusqu'au nid de l'oiseau. Ce dernier fut très surpris de voir cet enfant chez lui :
- Mais ! Que fais-tu là, toi !? dit l'oiseau.
- Je viens du village où tu ne te gênes pas pour faire tes vilaines choses, répondit l'enfant.
- Ah ? Comment m'as-tu trouvé ? Tu es courageux.
- Et tu es un monstre.
- Je ne peux pas m'en empêcher. Regarde-moi. Avec des plumes pareilles, je n'attire personne et aucun autre oiseau ne veut me faire de bébé. Alors je me venge.
- Ça ne sert à rien. Tu aurais mieux fait de demander de l'aide. Chez nous on a une teinturière qui pourrait préparer de très belles couleurs pour régler ton problème. Mais après ce que tu as fait...
- Ah vous avez ça ? demanda l'oiseau en écarquillant les yeux. Elle pourrait me teindre en rouge ?
- Malheureusement tu as coupé le cordon qui la reliait à son bébé. Il est mort. Penses-tu qu'elle te le pardonnera ?
- Elle sera bien obligée si elle veut que j'arrête de faire mes vilaines choses, dit l'oiseau. Retourne d'où tu viens et dis-le lui. Je reviendrai dans deux jours me faire teindre ma robe.
Sur ces mots l'oiseau tourna le dos à l'enfant, et ce dernier retourna chez lui. 





Arrivé au village, il faisait nuit. Mais la nouvelle se répandit que l'enfant avait parlé à l'oiseau et tout le monde se précipita autour de lui pour l'écouter. Il leur raconta la discussion qu'ils avaient eue.
- C'est hors de question ! dit la teinturière, pleine de chagrin.
- Mais si tu refuses, il reviendra et d'autres bébés mourront. Nous ne connaîtrons plus jamais la paix, insista l'enfant.
- De toute manière, la paix est terminée pour moi ! dit la teinturière.
Elle essuya une larme avant d'ajouter :
- Je sais, je me montre égoïste. Laissez-moi tranquille cette nuit, je vais y réfléchir. A demain...
Et tout le monde alla se coucher. 



Le lendemain matin, à l'aube, de nombreuses personnes attendaient déjà devant la maison de la teinturière. Cette dernière finit par se montrer. Le silence était général. Elle annonça :
- La nuit porte conseil et ma colère a diminué. Il n'y a pas de raison que ce monstre continue ce qu'il fait. Je vais l'aider à repeindre ses plumes.
Tout le monde cria de joie.
Puis elle retourna dans sa maison pour préparer ses couleurs.


  

Comme prévu, l'oiseau finit par arriver au village. Cette fois-ci il ne trancha aucun cordon. Il se posa devant l'enfant qui était courageusement allé le chercher. La teinturière était à ses côtés.
- Alors ça y est ? Tout est prêt pour donner de l'éclat à mon plumage ? demanda l'oiseau.
- Tu pourrais commencer par nous saluer et t'excuser pour tes actes, répondit sèchement la teinturière.
- Contentons-nous de régler cette histoire. J'ai fort à faire. Je ne suis plus si jeune, soupira l'oiseau.
- J'ai passé de nombreux jours à pleurer mon enfant et à te maudire, dit la femme. Mais je n'ai plus de temps à perdre avec ça. La teinture est prête pour que tu puisses faire ce que tu as à faire.
- Parfait, au travail !
Et des gens du village allèrent chercher les pots de couleurs.




Tout le monde s'appliqua à peindre les plumes du volatile. Même les femmes qui avaient été séparées de leur enfant.
Petit à petit, le noir sinistre faisait place à un rouge flamboyant. 





Le travail dura une journée entière. Finalement, la lueur de peur que l'on avait pu lire dans les yeux des villageois avait laissé place à de l'admiration.
L'oiseau lui-même fut ébloui par sa beauté. Il resta un moment silencieux avant de dire :
- Merci. Je n'aurais jamais imaginé me débarrasser de mon plumage noir. Grâce à vous je ne serai sûrement plus seul. Je ne pourrai jamais me faire pardonner pour le mal que je vous ai fait. Mais pour vous montrer ma reconnaissance, je reviendrai avec mon futur bébé.




Alors l'oiseau s'envola vers un destin plein d'espoir.




Quelques mois plus tard... 




... il tint sa promesse.