Il était une fois un garçon
qui se baladait dans un parc. Il trouvait qu'il avait de la chance d'habiter à
côté car il n'aimait pas trop marcher dans les rues grises de la ville qu'il
trouvait sales et bruyantes. Ce parc était rempli d'arbres, de plantes, de
fleurs, et de petits chemins pour se promener seul, en famille, ou avec les
copains et les copines.
Au détour d'un sentier, il
trouva une fleur qu'il trouvait particulièrement belle. Il s'apprêtait à la
cueillir quand celle-ci cria :
- Mais ça va pas la tête ?!
Le garçon, surpris, lui
demanda ce qui se passait.
- Tu ne sais pas lire ? C'est
interdit de cueillir les fleurs, répondit-elle.
- Ah bon ?
- Oui.
- Mais... Les gens aiment
bien faire des bouquets. J'avais envie de décorer mon bureau expliqua le
garçon.
- Premièrement c'est
interdit, et ce n'est pas moi qui l'ai écrit. Deuxièmement si tu me cueilles,
je vais mourir dans quelques jours. Et troisièmement si c'est pour me retrouver
sur un bureau, ça ne me plaît pas beaucoup... J'aurais encore préféré être
offerte pour une grande occasion.
- Ah... Mais je te trouvais
jolie.
- Evidemment, je suis la plus
belle ici. Elle jeta quelques coups d'oeil méprisants vers ses voisines.
- Bon, je m'en vais alors...
Au revoir.
La fleur, tout à coup affolée, s'exclama:
La fleur, tout à coup affolée, s'exclama:
- Attends ! Tu reviendras ?
- Euh, oui je pense, répondit
simplement le garçon en se retournant.
La fleur sourit et le garçon
continua son chemin.
Quelques jours plus tard, le
garçon revînt rendre visite à la fleur. Celle-ci paraissait encore plus belle à
ses yeux. Il regrettait amèrement de ne pas pouvoir la cueillir. Puis il pensa
au fait qu'elle mourrait s'il le faisait.
- Bonjour, lui dit-il.
- Bonjour répondit
laconiquement la fleur.
- Pourquoi est-ce que tu vas
mourir si je te cueille ?
- Pauvre fou ! Parce que j'ai
des racines, pas seulement ma belle tige, mes belles feuilles, et mes beaux
pétales. Et mes racines ont besoin de terre.
- Un bocal rempli d'eau ne
suffit pas ?
- Non, ça ne suffit pas.
Le garçon réfléchit un
instant avant de répondre :
- Et si je te déracinais et
que je te mettais dans un pot ? Un joli pot, je veux dire. Tu pourrais choisir
la couleur.
- Me déraciner ? Mais il est
malade ce garçon ! Je t'ai dit que c'est interdit, tu n'as pas vérifié ?
- Si, j'ai lu la petite
pancarte. Mais ce n'est pas parce que c'est interdit qu'on ne peut pas le faire
si toi et moi on est d'accord...
La fleur resta bouche bée un
moment avant de répondre:
- Et pourquoi je serais
d'accord ? Je t'ai dit que je ne voulais pas rester seule dans un simple pot
sur un bureau. Et puis me déraciner... Ça pourrait me faire mal !
- Non ne t'inquiète pas, je
ferais très attention, et puis tu ne
serais pas seule, on se verrait tous les jours.
La fleur rougit légèrement.
- Dis donc, je te plais
beaucoup. Mais mes amies vont me manquer si je pars.
- Pas de problème, je peux
les emporter aussi et les planter dans des pots à côté !
- Ah non ! Quelle histoire !
Laisse tomber ton idée s'il te plaît.
Le garçon se résigna puis repartit chez lui après avoir dit au revoir à
la fleur. Il ne se retourna pas.
Pendant les jours suivants, le garçon se changea les
idées en allant voir ses amis et sa famille. Il alla au cinéma, et il fit plein
d'autres choses encore. Mais quand il rentrait chez lui, il se retrouvait seul.
Il aimait bien être seul et lire un livre allongé sur son lit ou assis sur son canapé. Il aimait bien dessiner, regarder la télé et ce genre de chose. Il devait travailler aussi. Mais décidément, il trouvait son appartement bien vide et il pensait très souvent à sa rencontre avec la fleur.
Il aimait bien être seul et lire un livre allongé sur son lit ou assis sur son canapé. Il aimait bien dessiner, regarder la télé et ce genre de chose. Il devait travailler aussi. Mais décidément, il trouvait son appartement bien vide et il pensait très souvent à sa rencontre avec la fleur.
Dès le lendemain, il retourna
dans le parc se promener. C'était évidemment pour la voir. Il la trouva au même
endroit que d'habitude, toujours très jolie avec ses couleurs. Au début, la fleur
ne sembla pas le remarquer. Il lui dit timidement bonjour.
La fleur se dressa vers le
garçon, surprise, mais ne répondit pas. Elle ne savait pas quoi dire. Le garçon
reprit la parole :
- Tu vas bien ?
- Ca fait longtemps que je ne
t'ai pas vu, j'ai cru que tu ne reviendrais plus.
- J'ai été occupé mais
j'avais très envie de te voir. Me revoilà.
- Je crois que je t'aime
bien. Je me suis un peu ennuyée sans tes visites. Tu sais, les autres personnes
qui se promènent dans le parc me regardent, bien sûr, mais pas plus que ça... Elles ne me parlent pas, elles ne s'arrêtent même pas. On les croirait pressées de
finir leur promenade. Toi t'es pas pareil.
- Alors tu veux bien que je
t'amène chez moi ? On pourra discuter tous les jours et je te regarderai quand
je voudrai.
- D'accord, répondit la
fleur.
- Je reviendrai ce soir avec
une pelle et un pot.
Comme promis, le garçon
revint avec son matériel et déracina la fleur le plus délicatement possible. Il
l'installa dans le pot en y mettant de la terre et il s'apprêtait à repartir rapidement
quand la fleur lui dit:
- Doucement, je voudrais
regarder une dernière fois mes copines.
Le garçon s'arrêta quelques
secondes puis partit en marchant à vive allure car il n'avait pas oublié que ce
qu'il faisait était interdit.
Rentré chez lui, il disposa
la fleur sur son bureau. Elle était assez stressée mais au bout d'un moment elle
se calma et observa son nouvel environnement.
- Je comprends, maintenant,
que tu aies besoin de moi ici. C'est moche.
Le garçon ne répondit pas. La
fleur continua à inspecter les lieux et se pencha sur son pot.
- Heureusement que tu m'as
autorisée à choisir les couleurs de mon pot, dit-elle avec un ton de reproche.
Il ne me plaît pas du tout.
- J'ai pris ce que j'avais en
attendant que tu me donnes ton avis pour qu'on arrange ça ensemble.
Elle ignora sa réponse.
- Je suis fatiguée par ce
voyage. J'ai besoin de me reposer.
- Oui, bien sûr, je te laisse
tranquille, je vais me coucher. Bonne nuit.
- Bonne nuit.
Le garçon rejoignit sa chambre en jetant un dernier regard à la fleur.
Il se sentait un peu triste qu'elle n'ait pas l'air aussi heureuse qu'il le
voudrait.
Le lendemain matin, le garçon
se leva et fit ce qu'il avait l'habitude de faire : il ouvrit les volets, se
lava, s'habilla, prit son petit déjeuner et se brossa les dents. Puis il entra
dans son bureau pour voir la fleur. Il put déjà l'entendre râler pendant qu'il
ouvrait les volets de la pièce.
- C'est pas trop tôt !
dit-elle, furieuse.
- Salut, qu'est-ce que tu as
?
- D'habitude je prends
plaisir à me réveiller aux premiers rayons du soleil, à m'étirer, à papoter
avec les autres fleurs, et là c'est carrément l'enfer ! Tu te lèves tard, ma
parole !
- Ah désolé... Tu voudrais
que je laisse les volets entrouverts pour demain ?
- Et en plus je n'ai même pas
pu profiter des gouttes de rosée. Je m'en fais une joie tous les matins,
continua-t-elle à se plaindre en ignorant sa question.
- Alors ça te plairait que je
te mette sur le balcon ?
- Hum, pas vraiment... Ce
serait trop déprimant. Bon, tant pis, laisse-moi là mais j'aimerais que tu te
lèves plus tôt demain. Tu ouvriras les volets pour que je profite du soleil. Tu
veux bien ?
Le garçon hocha simplement la tête pour lui montrer qu'il était
d'accord. Il trouvait tout de même qu'elle avait un sacré caractère, cette
fleur...
Dans la journée, ils
décidèrent tous les deux de garder le pot dans lequel la fleur était déjà
installée, mais le garçon allait le peindre selon les goûts de la fleur. Au
début, elle avait hésité longtemps. Elle lui avait suggéré tout un tas de
couleurs et de motifs à n'en plus finir, elle avait changé tout le temps
d'avis, jusqu'à ce que le garçon lui dise :
- Ecoute, tu comprends bien
que si je peins des étoiles et des papillons, avec du rose, du violet, du rouge
et du jaune, on ne te regardera plus comme d'habitude.
- Et pourquoi ?
- Parce que ça sera beaucoup
trop ! Ca ne te mettra pas en valeur.
- Ah... Pourtant quand je
vois de belles dames se promener dans le parc, je trouve leurs robes très
jolies. En fait tu ne veux pas trop t'embêter à peindre comme je voudrais parce
que tu ne m'aimes pas beaucoup... Ou bien parce que tu ne sais pas peindre ?
Le garçon la regarda avec
amusement. Il la trouvais vraiment pénible mais attachante. Il l'aimait
beaucoup. Elle n'avait pas tort en pensant qu'il n'était peut-être pas très
doué pour peindre des motifs compliqués. Il lui répondit:
- Tu sais, ces dames, elles
sont souvent pas terribles en fait. Elles exagèrent dans leur maquillage, leurs
vêtements, leurs bijoux et tout ça. Souvent c'est parce qu'elles-mêmes ne se
trouvent pas très jolies et elles veulent compenser. Définitivement, ça gâche
tout, crois moi !
- Ah bon...
- Et toi tu es vraiment
belle. Un pot décoré assez simplement mais avec bon goût ira à merveille. Tu décides
quoi ?
- Hum... Tu m'as l'air d'être
un connaisseur en fait. Ecoute, je te fais confiance, fais ce que tu veux mais
j'espère ne pas être déçue !
Le garçon hocha la tête et se
mit au travail.
Pendant qu'il était en train
de peindre, la fleur était un peu angoissée. Elle se posait mille questions sur
le résultat. Mais le garçon avait l'air calme, concentré, et il finit par
afficher un sourire satisfait quand il eut terminé. Il n'avait pas mis très
longtemps à peindre, mais la fleur eut l'impression que cela avait duré une
éternité.
Quand le garçon lui tendit un miroir, elle fut bouleversée. Elle n'avait
jamais eu l'occasion de se voir par elle-même. Elle s'était toujours basée sur
le regard de ses copines qui la traitaient avec respect devant autant de
beauté. Elle se sentit heureuse de se voir vraiment et elle oublia complètement
le pot que le garçon avait peint. Au bout d'un certain temps, le garçon rompit
le silence en lui demandant si ça lui plaisait. Elle reprit ses esprit et lui répondit
que oui.
La nuit venue, le garçon alla dire bonne nuit à la
fleur, content de sa journée. La fleur se sentait toute bizarre, un peu grisée
par les événements. Au lieu de répondre seulement bonne nuit au garçon, elle
lui demanda s'il était d'accord pour qu'il l'amène dans sa chambre. Il poserait
le pot sur sa table de nuit. Au début un peu surpris, il répondit qu'il était
d'accord, au grand bonheur de la fleur.
Le lendemain, ils se
réveillèrent tout deux un peu fatigués.
- Je me sens toute vaseuse
dit la fleur.
- Moi aussi ajouta le garçon
en baillant. Bon, je vais boire du café. Tu veux de l'eau ?
- Oui, merci.
Le reste de la journée se
passa normalement. Le garçon travailla à son bureau avec la fleur posée à ses côtés.
La nuit suivante, le garçon plaça la fleur au même
endroit que la dernière fois. Il fut troublé plusieurs fois dans son sommeil
avec la sensation d'étouffer. Mais il se rendormit à chaque fois sans trop de
problème.
Ce phénomène se répéta encore
quelques nuits. Le garçon et la fleur se réveillaient systématiquement avec
l'impression d'une fatigue inexplicable, ce qui les mettait de mauvaise humeur.
Un matin, le garçon allait boire un café lorsqu'il entendit un hurlement
du tonnerre venant de la chambre. Il courut en trombe jusqu'à celle-ci pour
comprendre ce qui se passait.
Il n'eut même pas besoin
d'entendre les reproches de la fleur pour savoir ce qui n'allait pas. Il le
comprit en franchissant la porte. Il l'écouta malgré tout.
- Mais enfin tu ne te rends
pas compte !? Voilà maintenant que tu te réveilles sans m'adresser la parole !
Ni même me donner à boire ! Sans parler d'ouvrir les volets pour que je goûte
un peu à la lumière !
- Euh, pardon je...
- Tu ne m'aimes pas, voilà
tout ! Je veux retourner au parc. Au début tu t'occupais bien de moi, mais
pourquoi est-ce que ça s'est dégradé comme ça ?
- Mais... calme toi ! Je ne
sais pas moi... Je t'aime toujours mais je dors tellement mal que je...
- Blabla, moi aussi je dors
mal ! Allez, ramène moi au parc s'il te plaît...
Le garçon n'eut pas la
courage ni la force de la convaincre de rester.
La matinée se passa dans la morosité
la plus totale. La fleur ne dit pas un mot tandis que le garçon se préparait
pour la rapporter là où il l'avait trouvée.
Il s'habilla, prit sa pelle
et la fleur dans son pot. Il ne se souciait même pas d'être aperçu en plein
jour en train de faire quelque chose d'interdit. Non pas d'arracher une fleur
cette foi-ci, mais d'en replanter une. Il se dit au bout du compte qu'il
n'était indiqué nulle part qu'il ne fallait pas le faire.
Une fois replantée, la fleur eut tout de même la
politesse de dire merci au garçon, mais elle s'abstint d'en dire plus. Le
garçon, lui, la regardait avec une certaine mélancolie. Il lui dit au revoir
avant de s'en aller.
La première chose que fit le garçon en rentrant
chez lui fut de manger un peu et de faire une bonne sieste. Puis il prit un
livre qu'il avait commencé depuis un moment déjà. Enfin, il regarda un film à
la télé, avant de se coucher pour de bon.
Le lendemain matin, le garçon
eut l'agréable surprise de se réveiller en forme. Il repensa à la fleur. Mais
qu'est-ce qui avait pu se passer pour que tout soit gâché ? Il profita de son
énergie pour aller voir ses copains et faire du vélo.
Les nuits suivantes, il fut
de plus en plus satisfait de bien dormir, et de se lever sans être grognon.
Pourtant, la fleur commençait à lui manquer. Il décida d'aller la voir à sa
prochaine promenade.
Il arriva au parc en milieu
de matinée et trouva la fleur là où il l'avait quittée, à côté des autres. Il
sourit et lui dit bonjour. Le garçon put lire toute une panoplie d'émotions sur
les pétales de la fleur : de la surprise, de la colère, du soulagement.
- Ce n'est que maintenant que
tu reviens ?
- Je pensais t'avoir mise en
pétard. J'avais peur que tu n'aies plus envie de me voir mais tu me manquais.
Alors me voilà.
- Tu veux dire que tu viens
me rechercher ? lui demanda-t-elle, sceptique.
- Euh... Disons que je
voulais vraiment te voir. Je n'ai pas envie que tu disparaisses de ma vie.
La fleur fut très flattée par
cette déclaration. Elle lui dit :
- Moi non plus je ne veux pas
te perdre, je serais très malheureuse de ne plus te voir. J'ai beaucoup
apprécié ta compagnie chez toi, et ça m'a fait très plaisir de découvrir ton
univers.
- À moi aussi.
- Mais j'en ai parlé avec mes
copines, tu sais, et je crois qu'on s'est tout simplement pompé l'air dit-elle
avec amusement.
Le garçon rit sans trop
savoir pourquoi. Décidément, il reviendrait à coup sûr revoir cette singulière
fleur qu'il trouvait toujours aussi belle.