Il était une fois un enfant appelé Isidore qui
vivait à proximité d'un lac et d'une montagne. C'était un enfant rêveur qui
passait son temps libre près de l'eau.
L'eau lui plaisait car à chaque fois qu'il penchait
la tête vers elle, il se voyait à sa surface. Heureusement qu'il avait des
lunettes car sans elles, il aurait bien du mal. En tout cas, même si parfois il
avait oublié de se peigner le matin, même s'il avait du chocolat autour de la
bouche, il se trouvait beau et cela le rendait heureux.
Un jour, à l'école, la maîtresse raconta tout un
tas d'histoires sur l'eau. Elle disait que la neige, la glace et la pluie,
c'est la même chose. C'est-à-dire de l'eau. L'eau peut se transformer un peu
comme elle le veut... Parfois même, il paraît qu'on ne la voit pas. C'est quand
elle s'évapore. Isidore se demandait bien ce que voulait dire ce mot. Tout ce
qu'il avait compris, car il l'avait déjà vu, c'était que lorsqu'il pleut et que
des flaques gisent sur le sol, ces dernières finissent par disparaître.
Une autre chose étonna Isidore pendant ce jour de
classe : la maîtresse avait dit que les hommes sont presque entièrement faits
d'eau. 70%. Ce nombre non plus, Isidore ne l'avait pas bien compris... Mais une
idée lui trottait dans la tête : s'il était lui aussi fait avec de l'eau,
pouvait-il devenir invisible, ou disparaître ?
Les jours suivants, Isidore partit sans donner de
nouvelle. Tout le monde le cherchait : ses parents, sa petite soeur, sa
maîtresse, ses copains. Les policiers aussi. Mais impossible de le trouver.
En fait, Isidore s'était caché dans un coin peu
fréquenté, près du lac. Il restait là, assis, immobile, et attendait pour voir
si lui aussi pouvait disparaître.
Un jour passa, deux jours,
trois jours. Isidore commençait à devenir très faible et fatigué mais il n'en
démordait pas : il voulait voir s'il finirait par devenir invisible, ou autre
chose.
Au bout d'un moment, sous un soleil brûlant,
Isidore sentit qu'il transpirait beaucoup, beaucoup. Il n'avait pas pris de
crème solaire, et sûrement que sa mère l'aurait grondé. Mais là tant pis, elle
n'était pas là.
Ce qui se passa alors lui fit oublier tout le reste
: il commençait à s'évaporer. Petit à petit, son corps se dispersait dans l'air
par petites gouttes, petites bulles, ou petites paillettes, il ne savait pas
trop. En tout cas cela ne lui faisait pas peur, et il ne bougeait pas.
Le lendemain, à l'endroit où Isidore était resté
immobile, il ne resta que ses lunettes. Il avait bien fini par s'évaporer et il
pouvait voir tous ceux qui le cherchaient. Mais malheureusement, eux, ne le
voyaient pas.
Lui non plus d'ailleurs, ne voyait plus vraiment
son reflet dans le lac. Il regretta tout ça et il décida alors d'attendre à
nouveau pour essayer de revenir.
Cette fois, on aurait pu dire qu'Isidore pleuvait, en plus des gouttes de pluie.
Pour vérifier qu'il était
bien redevenu comme avant, il jeta un coup d'oeil à la surface du lac. Pas de
doute, il était bien là, et toujours aussi beau de surcroît.