jeudi 11 juillet 2013

Histoire 4 : Les Bébés et l'Oiseau



Il était une fois un village tranquille où vivaient en harmonie les hommes, les femmes, et les enfants.




Les femmes qui attendaient des bébés étaient reliées à eux par le cordon ombilical. Comme toutes les femmes du monde. Sauf que dans ce village-là, les bébés ne se développaient pas dans le ventre, mais à l'extérieur. C'était comme s'ils flottaient dans l'air. Et quand les bébés étaient assez grands, le cordon se détachait tout seul.




Un jour, un grand oiseau au bec tranchant arriva dans le village et prit l'habitude de couper le cordon ombilical reliant certaines femmes à leur futur enfant. Les bébés qui n'étaient pas suffisamment développés mouraient. Les autres s'en sortaient. C'était la panique générale. Mais personne ne pouvait rien y faire. L'oiseau recommençait. 



Alors, un enfant parmi les autres se sentit rempli de colère. Il n'en pouvait plus d'assister à ce spectacle. Il décida de partir jusqu'au repère de l'oiseau pour l'empêcher de revenir. 




Il suivit l'oiseau à travers les plaines désertiques, les amas de rochers, les rivières tumultueuses. Il ne fallait pas qu'il le perde de vue. 





Finalement, il arriva, essoufflé, jusqu'au nid de l'oiseau. Ce dernier fut très surpris de voir cet enfant chez lui :
- Mais ! Que fais-tu là, toi !? dit l'oiseau.
- Je viens du village où tu ne te gênes pas pour faire tes vilaines choses, répondit l'enfant.
- Ah ? Comment m'as-tu trouvé ? Tu es courageux.
- Et tu es un monstre.
- Je ne peux pas m'en empêcher. Regarde-moi. Avec des plumes pareilles, je n'attire personne et aucun autre oiseau ne veut me faire de bébé. Alors je me venge.
- Ça ne sert à rien. Tu aurais mieux fait de demander de l'aide. Chez nous on a une teinturière qui pourrait préparer de très belles couleurs pour régler ton problème. Mais après ce que tu as fait...
- Ah vous avez ça ? demanda l'oiseau en écarquillant les yeux. Elle pourrait me teindre en rouge ?
- Malheureusement tu as coupé le cordon qui la reliait à son bébé. Il est mort. Penses-tu qu'elle te le pardonnera ?
- Elle sera bien obligée si elle veut que j'arrête de faire mes vilaines choses, dit l'oiseau. Retourne d'où tu viens et dis-le lui. Je reviendrai dans deux jours me faire teindre ma robe.
Sur ces mots l'oiseau tourna le dos à l'enfant, et ce dernier retourna chez lui. 





Arrivé au village, il faisait nuit. Mais la nouvelle se répandit que l'enfant avait parlé à l'oiseau et tout le monde se précipita autour de lui pour l'écouter. Il leur raconta la discussion qu'ils avaient eue.
- C'est hors de question ! dit la teinturière, pleine de chagrin.
- Mais si tu refuses, il reviendra et d'autres bébés mourront. Nous ne connaîtrons plus jamais la paix, insista l'enfant.
- De toute manière, la paix est terminée pour moi ! dit la teinturière.
Elle essuya une larme avant d'ajouter :
- Je sais, je me montre égoïste. Laissez-moi tranquille cette nuit, je vais y réfléchir. A demain...
Et tout le monde alla se coucher. 



Le lendemain matin, à l'aube, de nombreuses personnes attendaient déjà devant la maison de la teinturière. Cette dernière finit par se montrer. Le silence était général. Elle annonça :
- La nuit porte conseil et ma colère a diminué. Il n'y a pas de raison que ce monstre continue ce qu'il fait. Je vais l'aider à repeindre ses plumes.
Tout le monde cria de joie.
Puis elle retourna dans sa maison pour préparer ses couleurs.


  

Comme prévu, l'oiseau finit par arriver au village. Cette fois-ci il ne trancha aucun cordon. Il se posa devant l'enfant qui était courageusement allé le chercher. La teinturière était à ses côtés.
- Alors ça y est ? Tout est prêt pour donner de l'éclat à mon plumage ? demanda l'oiseau.
- Tu pourrais commencer par nous saluer et t'excuser pour tes actes, répondit sèchement la teinturière.
- Contentons-nous de régler cette histoire. J'ai fort à faire. Je ne suis plus si jeune, soupira l'oiseau.
- J'ai passé de nombreux jours à pleurer mon enfant et à te maudire, dit la femme. Mais je n'ai plus de temps à perdre avec ça. La teinture est prête pour que tu puisses faire ce que tu as à faire.
- Parfait, au travail !
Et des gens du village allèrent chercher les pots de couleurs.




Tout le monde s'appliqua à peindre les plumes du volatile. Même les femmes qui avaient été séparées de leur enfant.
Petit à petit, le noir sinistre faisait place à un rouge flamboyant. 





Le travail dura une journée entière. Finalement, la lueur de peur que l'on avait pu lire dans les yeux des villageois avait laissé place à de l'admiration.
L'oiseau lui-même fut ébloui par sa beauté. Il resta un moment silencieux avant de dire :
- Merci. Je n'aurais jamais imaginé me débarrasser de mon plumage noir. Grâce à vous je ne serai sûrement plus seul. Je ne pourrai jamais me faire pardonner pour le mal que je vous ai fait. Mais pour vous montrer ma reconnaissance, je reviendrai avec mon futur bébé.




Alors l'oiseau s'envola vers un destin plein d'espoir.




Quelques mois plus tard... 




... il tint sa promesse.

lundi 6 mai 2013

Histoire 3 : Les Vilains

                      

Il était une fois une araignée, un serpent et un virus qui se retrouvaient tous les jours pour discuter de leur journée. C'était leur moment de détente et chacun y mettait du sien pour raconter aux autres comment il avait réussi son coup pour le repas du jour.


                   
 
L'araignée racontait généralement la même chose :
- Héhé, j'étais tranquillement cachée dans un coin quand j'ai senti un idiot se prendre dans ma toile. Aujourd'hui c'était un moustique. Vous auriez dû le voir se débattre alors que c'est I-M-P-O-S-S-I-B-L-E de s'en sortir. Il était terrifié. J'en salivais d'avance...
- T'es quand même une sacrée sadique de raconter ça aussi crûment, réagit le serpent. Pour un vulgaire moustique en plus...
Le virus ne dit mot.
L'araignée, légèrement piquée, rétorqua :
- Tu manques pas d'air mon vieux ! Et si tu nous racontais comment tu te prépares ton petit repas, hein ?
- Moi ? Bof... Je m'enroule toujours autour du premier rat venu, je l'étouffe et puis je le gobe, pas de quoi en faire un fromage comme toi.
Le virus finit par ajouter son grain de sel :
- Vous êtes aussi indélicats l'un que l'autre ! Toi l'araignée, tu épuises ta victime jusqu'à la maintenir dans un état lamentable qui ne la tue même pas, puis tu la sirotes de temps en temps comme une voleuse... Quant à toi, cher serpent, tu ne fais pas mieux puisque tu engloutis ton rat parfois vivant à ce qu'il paraît...
L'araignée et le serpent le regardèrent subitement avec une agressivité non dissimulée.
- Je rêve ! Le virus nous parle de délicatesse, tu entends ça, serpent ? dit l'araignée. Qui donc s'infiltre dans l'organisme des autres pour détruire leurs défenses immunitaires ? Qui affaiblit de l'intérieur, ronge, détruit ? C'est n'importe quoi !
Le virus, amusé, répondit :
- Je trouve ma méthode assez classe, au contraire. Vous savez, c'est pas si facile que ça de réduire en miettes une armada de globules blancs...

Sur ces mots, personne n'eut envie de continuer la discussion. Chacun ruminait ce qui venait d'être dit, et repensait à sa manière de faire.


              

L'araignée revit le moustique s'empêtrer dans ses fils...


                

... et se rappela son excitation lorsqu'elle se jeta sur lui pour l'envelopper dans un cocon de soie.
 

             

Le serpent revit le rat fureter dans un coin... 

  
            

... et se rappela son excitation lorsqu'il passa à l'attaque pour le gober. 


             

Le virus eut une vision beaucoup plus grandiloquente encore, se représentant un tas de monde ne se doutant de rien...


            

... alors qu'il est là, partout, qu'il s'infiltre, petit à petit, malgré les résistances. 


              

Au bout du compte, ce fut l'araignée - quelle bavarde celle-là - qui brisa le silence qui s'était installé :
- Vous savez, je vous trouve injustes. Peut-être que je le sirote mon moustique, mais imaginez un monde sans araignée... Il n'y aurait que ça, des saletés d'insectes, pas vrai ?


               

Le serpent enchaîna :
- C'est pas faux. Mais gardez bien à l'esprit que si nous, les serpents, n'étions pas là, les rats pulluleraient. Vous aimeriez ça ?
 

              

Le virus termina :
- Quoi que vous en pensiez, si moi et mes collègues n'existions pas non plus, qui pourrait se charger de réguler la population de ces odieux humains ?


              

Tous semblèrent assez d'accord, ce qui installa un climat de bonne humeur. Mais ce que l'araignée, le serpent et le virus n'avaient pas vu, c'était que justement, un humain se tenait dans les parages.
Et il les avait écoutés avec une grande attention.


            

Il arriva doucement dans l'espoir de ne pas leur faire trop peur. Mais à sa vue, les créatures étaient prêtes pour prendre la poudre d'escampette.
L'humain voulut les rassurer en disant qu'il n'avait pas l'intention de les tuer, mais simplement de discuter.
L'araignée, le serpent et le virus ne furent que très moyennement convaincus... Cependant, l'homme leur fit tellement de flatteries qu'ils décidèrent malgré tout de rester, à une distance raisonnable.
C'est vrai qu'ils avaient parlé avec une rare intelligence et ils s'en félicitèrent tous du regard...

 
           

Tout de même, l'araignée se demanda pourquoi diable cet humain voulait discuter avec elle et ses camarades. Ce qu'ils avaient dit avait peut-être été intéressant, mais que voulait-il raconter au juste ? Elle lui fit part de ses réflexions. L'homme répondit :
- Et bien je me sens un peu seul et j'ai envie de discuter, c'est tout. Un peu comme vous l'avez fait. C'est si étrange que ça ?
- Oui, c'est étrange. Un humain ne discute pas avec nous autres. En général ça cherche à nous tordre le cou, dit le serpent.
- Normal, les gens ne vous aiment pas, vous leur faites peur.
- On leur fait peur ? s'exclama l'araignée avec de grands yeux.
- Mais oui, regarde-toi, tu es affreuse avec tes pattes velues.
- Mais quel rustre ! Et après il veut nous mettre à l'aise et discuter...
L'araignée était tellement vexée qu'elle se renfrogna et ne prêta pas attention au serpent et au virus qui se moquaient d'elle en silence. Le virus ne perdit pas le nord et dit :
- Bon, tu veux parler de quoi, humain ?
- Hum... En fait je voulais vous dire que je suis d'accord avec vous. C'est vrai que vous êtes vraiment pénibles, surtout toi - il regarda précisément le virus - mais vous êtes terriblement nécessaires en ce monde.
Le virus ne se décontenança pas :
- Oui oui, on sait, nous sommes extraordinaires et indispensables. Mais toi ? À Quoi tu sers au juste dans la vie ?
L'homme écarquilla les yeux.

 
            

Il n'eut même pas le temps de répondre que le serpent se lança dans les accusations :
- Mais oui ! Il paraît que tu t'es installé partout sur la planète, un cousin me l'a dit.
- Tu détruis beaucoup de choses pour t'installer d'ailleurs, continua le virus. Des forêts comme celle-ci par exemple. C'est pourtant beau une forêt non ?
L'araignée arrêta de bouder et saisit l'occasion de se venger en continuant le procès :
- Parfaitement ! Espèce de brute ! Et personnellement, j'ai des copines qui m'ont dit avoir vu des humains tuer des animaux pour le plaisir.
- Sans parler de torture, dit le serpent. Un jour, alors que je m'apprêtais à engloutir un rat, ce dernier était en train de dire à son voisin que vous, les humains, faites des tests sur eux. Vous êtes complètement malades ou quoi ?

Les trois créatures dévisageaient l'homme avec indignation. Ce dernier tenta de se justifier :
- Je ne vais pas contredire tout ça. Mais vous savez, nous aussi on doit manger, on doit construire nos maisons pour ne pas mourir de froid, et on doit bien inventer des médicaments pour guérir des maladies, dit-il en lançant un oeil mauvais sur le virus.

L'araignée, le serpent et le virus l'écoutèrent mais ne semblèrent pas convaincus :
- Oui oui oui, dit le virus, mais qu'est-ce qui vous oblige à vous installer partout en définitive ? Et à tuer pour le plaisir ?

Au bout d'un moment, l'homme en eut assez de tous ces reproches :
- Mais tu ne penses pas que tu t'installes partout toi, avec les tiens, mon vieux microbe ? Et si vous le pouviez, est-ce que vous ne le feriez pas non plus, l'araignée et le serpent ? Et je ne parle pas que de vous, qui n'avez pas à vous plaindre, mais de toutes les créatures en général ! Tout le monde veut la plus grosse part du gâteau, c'est tout... Et tuer pour le plaisir, tuer pour le plaisir, on n'est pas tous comme ça ! Mais qu'est-ce que vous voulez, chez nous on s'entretue aussi pour nos idées, alors quoi ?
 

            

Les trois bestioles se regardaient sans mot dire. L'homme n'aimait pas le silence et poursuivit :
- Finalement on est là, on fait ce qu'on a à faire et puis c'est tout. On n'y comprend rien. C'est la vie. Si je me souviens bien, vous ne vous êtes pas gênés, au début de votre conversation, pour vous vanter des supplices que vous infligez à vos victimes, et à reprocher aux autres leurs méthodes.
L'araignée, le serpent et le virus restaient muets.
- Alors on est pareils, tous les quatre. Sauf que moi et les miens, on vous écrase sans problème si ça nous chante, finit par dire l'homme pour plaisanter.


           

Cela ne fit pas rire son auditoire qui se jeta sur lui en un éclair puis disparut aussi sec. 


         

L'homme ne put faire autrement, vu son état, que d'aller à l'hôpital se faire soigner. Le médecin qui s'occupait de lui, lui dit :
- Et bien mon ami, je vois que ce n'est pas votre jour ! Quelle poisse de se faire mordre par une araignée et un serpent, et d'attraper cette vilaine grippe ! Mais où est-ce que vous êtes allé traîner ?! Quoi qu'il en soit ne vous inquiétez pas, je vais vous administrer un traitement digne de ce nom.
- J'espère qu'il a été testé sur des animaux, pesta l'homme.
- Naturellement, dit le médecin en souriant.

dimanche 5 mai 2013

Histoire 2 : Le Garçon et la Fleur




Il était une fois un garçon qui se baladait dans un parc. Il trouvait qu'il avait de la chance d'habiter à côté car il n'aimait pas trop marcher dans les rues grises de la ville qu'il trouvait sales et bruyantes. Ce parc était rempli d'arbres, de plantes, de fleurs, et de petits chemins pour se promener seul, en famille, ou avec les copains et les copines.





Au détour d'un sentier, il trouva une fleur qu'il trouvait particulièrement belle. Il s'apprêtait à la cueillir quand celle-ci cria :
- Mais ça va pas la tête ?!
Le garçon, surpris, lui demanda ce qui se passait.
- Tu ne sais pas lire ? C'est interdit de cueillir les fleurs, répondit-elle.
- Ah bon ?
- Oui.
- Mais... Les gens aiment bien faire des bouquets. J'avais envie de décorer mon bureau expliqua le garçon.
- Premièrement c'est interdit, et ce n'est pas moi qui l'ai écrit. Deuxièmement si tu me cueilles, je vais mourir dans quelques jours. Et troisièmement si c'est pour me retrouver sur un bureau, ça ne me plaît pas beaucoup... J'aurais encore préféré être offerte pour une grande occasion.
- Ah... Mais je te trouvais jolie.
- Evidemment, je suis la plus belle ici. Elle jeta quelques coups d'oeil méprisants vers ses voisines.
- Bon, je m'en vais alors... Au revoir.
La fleur, tout à coup affolée, s'exclama:
- Attends ! Tu reviendras ?
- Euh, oui je pense, répondit simplement le garçon en se retournant.
La fleur sourit et le garçon continua son chemin.
 





Quelques jours plus tard, le garçon revînt rendre visite à la fleur. Celle-ci paraissait encore plus belle à ses yeux. Il regrettait amèrement de ne pas pouvoir la cueillir. Puis il pensa au fait qu'elle mourrait s'il le faisait.
- Bonjour, lui dit-il.
- Bonjour répondit laconiquement la fleur.
- Pourquoi est-ce que tu vas mourir si je te cueille ?
- Pauvre fou ! Parce que j'ai des racines, pas seulement ma belle tige, mes belles feuilles, et mes beaux pétales. Et mes racines ont besoin de terre.
- Un bocal rempli d'eau ne suffit pas ?
- Non, ça ne suffit pas.
Le garçon réfléchit un instant avant de répondre :
- Et si je te déracinais et que je te mettais dans un pot ? Un joli pot, je veux dire. Tu pourrais choisir la couleur.
- Me déraciner ? Mais il est malade ce garçon ! Je t'ai dit que c'est interdit, tu n'as pas vérifié ?
- Si, j'ai lu la petite pancarte. Mais ce n'est pas parce que c'est interdit qu'on ne peut pas le faire si toi et moi on est d'accord...
La fleur resta bouche bée un moment avant de répondre:
- Et pourquoi je serais d'accord ? Je t'ai dit que je ne voulais pas rester seule dans un simple pot sur un bureau. Et puis me déraciner... Ça pourrait me faire mal !
- Non ne t'inquiète pas, je ferais très attention,  et puis tu ne serais pas seule, on se verrait tous les jours.
La fleur rougit légèrement.
- Dis donc, je te plais beaucoup. Mais mes amies vont me manquer si je pars.
- Pas de problème, je peux les emporter aussi et les planter dans des pots à côté !
- Ah non ! Quelle histoire ! Laisse tomber ton idée s'il te plaît.
Le garçon se résigna puis repartit chez lui après avoir dit au revoir à la fleur. Il ne se retourna pas.
 




Pendant les jours suivants, le garçon se changea les idées en allant voir ses amis et sa famille. Il alla au cinéma, et il fit plein d'autres choses encore. Mais quand il rentrait chez lui, il se retrouvait seul.
Il aimait bien être seul et lire un livre allongé sur son lit ou assis sur son canapé. Il aimait bien dessiner, regarder la télé et ce genre de chose. Il devait travailler aussi. Mais décidément, il trouvait son appartement bien vide et il pensait très souvent à sa rencontre avec la fleur. 
 







Dès le lendemain, il retourna dans le parc se promener. C'était évidemment pour la voir. Il la trouva au même endroit que d'habitude, toujours très jolie avec ses couleurs. Au début, la fleur ne sembla pas le remarquer. Il lui dit timidement bonjour.
La fleur se dressa vers le garçon, surprise, mais ne répondit pas. Elle ne savait pas quoi dire. Le garçon reprit la parole :
- Tu vas bien ?
- Ca fait longtemps que je ne t'ai pas vu, j'ai cru que tu ne reviendrais plus.
- J'ai été occupé mais j'avais très envie de te voir. Me revoilà.
- Je crois que je t'aime bien. Je me suis un peu ennuyée sans tes visites. Tu sais, les autres personnes qui se promènent dans le parc me regardent, bien sûr, mais pas plus que ça... Elles ne me parlent pas, elles ne s'arrêtent même pas. On les croirait pressées de finir leur promenade. Toi t'es pas pareil.
- Alors tu veux bien que je t'amène chez moi ? On pourra discuter tous les jours et je te regarderai quand je voudrai.
- D'accord, répondit la fleur.
- Je reviendrai ce soir avec une pelle et un pot.






Comme promis, le garçon revint avec son matériel et déracina la fleur le plus délicatement possible. Il l'installa dans le pot en y mettant de la terre et il s'apprêtait à repartir rapidement quand la fleur lui dit:
- Doucement, je voudrais regarder une dernière fois mes copines.
Le garçon s'arrêta quelques secondes puis partit en marchant à vive allure car il n'avait pas oublié que ce qu'il faisait était interdit.






Rentré chez lui, il disposa la fleur sur son bureau. Elle était assez stressée mais au bout d'un moment elle se calma et observa son nouvel environnement.
- Je comprends, maintenant, que tu aies besoin de moi ici. C'est moche.
Le garçon ne répondit pas. La fleur continua à inspecter les lieux et se pencha sur son pot.
- Heureusement que tu m'as autorisée à choisir les couleurs de mon pot, dit-elle avec un ton de reproche. Il ne me plaît pas du tout.
- J'ai pris ce que j'avais en attendant que tu me donnes ton avis pour qu'on arrange ça ensemble.
Elle ignora sa réponse.
- Je suis fatiguée par ce voyage. J'ai besoin de me reposer.
- Oui, bien sûr, je te laisse tranquille, je vais me coucher. Bonne nuit.
- Bonne nuit.
Le garçon rejoignit sa chambre en jetant un dernier regard à la fleur. Il se sentait un peu triste qu'elle n'ait pas l'air aussi heureuse qu'il le voudrait. 
 






Le lendemain matin, le garçon se leva et fit ce qu'il avait l'habitude de faire : il ouvrit les volets, se lava, s'habilla, prit son petit déjeuner et se brossa les dents. Puis il entra dans son bureau pour voir la fleur. Il put déjà l'entendre râler pendant qu'il ouvrait les volets de la pièce.
- C'est pas trop tôt ! dit-elle, furieuse.
- Salut, qu'est-ce que tu as ?
- D'habitude je prends plaisir à me réveiller aux premiers rayons du soleil, à m'étirer, à papoter avec les autres fleurs, et là c'est carrément l'enfer ! Tu te lèves tard, ma parole !
- Ah désolé... Tu voudrais que je laisse les volets entrouverts pour demain ?
- Et en plus je n'ai même pas pu profiter des gouttes de rosée. Je m'en fais une joie tous les matins, continua-t-elle à se plaindre en ignorant sa question.
- Alors ça te plairait que je te mette sur le balcon ?
- Hum, pas vraiment... Ce serait trop déprimant. Bon, tant pis, laisse-moi là mais j'aimerais que tu te lèves plus tôt demain. Tu ouvriras les volets pour que je profite du soleil. Tu veux bien ?
Le garçon hocha simplement la tête pour lui montrer qu'il était d'accord. Il trouvait tout de même qu'elle avait un sacré caractère, cette fleur...






Dans la journée, ils décidèrent tous les deux de garder le pot dans lequel la fleur était déjà installée, mais le garçon allait le peindre selon les goûts de la fleur. Au début, elle avait hésité longtemps. Elle lui avait suggéré tout un tas de couleurs et de motifs à n'en plus finir, elle avait changé tout le temps d'avis, jusqu'à ce que le garçon lui dise :
- Ecoute, tu comprends bien que si je peins des étoiles et des papillons, avec du rose, du violet, du rouge et du jaune, on ne te regardera plus comme d'habitude.
- Et pourquoi ?
- Parce que ça sera beaucoup trop ! Ca ne te mettra pas en valeur.
- Ah... Pourtant quand je vois de belles dames se promener dans le parc, je trouve leurs robes très jolies. En fait tu ne veux pas trop t'embêter à peindre comme je voudrais parce que tu ne m'aimes pas beaucoup... Ou bien parce que tu ne sais pas peindre ?
Le garçon la regarda avec amusement. Il la trouvais vraiment pénible mais attachante. Il l'aimait beaucoup. Elle n'avait pas tort en pensant qu'il n'était peut-être pas très doué pour peindre des motifs compliqués. Il lui répondit:
- Tu sais, ces dames, elles sont souvent pas terribles en fait. Elles exagèrent dans leur maquillage, leurs vêtements, leurs bijoux et tout ça. Souvent c'est parce qu'elles-mêmes ne se trouvent pas très jolies et elles veulent compenser. Définitivement, ça gâche tout, crois moi !
- Ah bon...
- Et toi tu es vraiment belle. Un pot décoré assez simplement mais avec bon goût ira à merveille. Tu décides quoi ?
- Hum... Tu m'as l'air d'être un connaisseur en fait. Ecoute, je te fais confiance, fais ce que tu veux mais j'espère ne pas être déçue !
Le garçon hocha la tête et se mit au travail.





Pendant qu'il était en train de peindre, la fleur était un peu angoissée. Elle se posait mille questions sur le résultat. Mais le garçon avait l'air calme, concentré, et il finit par afficher un sourire satisfait quand il eut terminé. Il n'avait pas mis très longtemps à peindre, mais la fleur eut l'impression que cela avait duré une éternité.
Quand le garçon lui tendit un miroir, elle fut bouleversée. Elle n'avait jamais eu l'occasion de se voir par elle-même. Elle s'était toujours basée sur le regard de ses copines qui la traitaient avec respect devant autant de beauté. Elle se sentit heureuse de se voir vraiment et elle oublia complètement le pot que le garçon avait peint. Au bout d'un certain temps, le garçon rompit le silence en lui demandant si ça lui plaisait. Elle reprit ses esprit et lui répondit que oui. 




La nuit venue, le garçon alla dire bonne nuit à la fleur, content de sa journée. La fleur se sentait toute bizarre, un peu grisée par les événements. Au lieu de répondre seulement bonne nuit au garçon, elle lui demanda s'il était d'accord pour qu'il l'amène dans sa chambre. Il poserait le pot sur sa table de nuit. Au début un peu surpris, il répondit qu'il était d'accord, au grand bonheur de la fleur. 






Le lendemain, ils se réveillèrent tout deux un peu fatigués.
- Je me sens toute vaseuse dit la fleur.
- Moi aussi ajouta le garçon en baillant. Bon, je vais boire du café. Tu veux de l'eau ?
- Oui, merci.
Le reste de la journée se passa normalement. Le garçon travailla à son bureau avec la fleur posée à ses côtés.




La nuit suivante, le garçon plaça la fleur au même endroit que la dernière fois. Il fut troublé plusieurs fois dans son sommeil avec la sensation d'étouffer. Mais il se rendormit à chaque fois sans trop de problème. 





Ce phénomène se répéta encore quelques nuits. Le garçon et la fleur se réveillaient systématiquement avec l'impression d'une fatigue inexplicable, ce qui les mettait de mauvaise humeur.
Un matin, le garçon allait boire un café lorsqu'il entendit un hurlement du tonnerre venant de la chambre. Il courut en trombe jusqu'à celle-ci pour comprendre ce qui se passait. 






Il n'eut même pas besoin d'entendre les reproches de la fleur pour savoir ce qui n'allait pas. Il le comprit en franchissant la porte. Il l'écouta malgré tout.
- Mais enfin tu ne te rends pas compte !? Voilà maintenant que tu te réveilles sans m'adresser la parole ! Ni même me donner à boire ! Sans parler d'ouvrir les volets pour que je goûte un peu à la lumière !
- Euh, pardon je...
- Tu ne m'aimes pas, voilà tout ! Je veux retourner au parc. Au début tu t'occupais bien de moi, mais pourquoi est-ce que ça s'est dégradé comme ça ?
- Mais... calme toi ! Je ne sais pas moi... Je t'aime toujours mais je dors tellement mal que je...
- Blabla, moi aussi je dors mal ! Allez, ramène moi au parc s'il te plaît...
Le garçon n'eut pas la courage ni la force de la convaincre de rester.





La matinée se passa dans la morosité la plus totale. La fleur ne dit pas un mot tandis que le garçon se préparait pour la rapporter là où il l'avait trouvée.

Il s'habilla, prit sa pelle et la fleur dans son pot. Il ne se souciait même pas d'être aperçu en plein jour en train de faire quelque chose d'interdit. Non pas d'arracher une fleur cette foi-ci, mais d'en replanter une. Il se dit au bout du compte qu'il n'était indiqué nulle part qu'il ne fallait pas le faire.




Une fois replantée, la fleur eut tout de même la politesse de dire merci au garçon, mais elle s'abstint d'en dire plus. Le garçon, lui, la regardait avec une certaine mélancolie. Il lui dit au revoir avant de s'en aller. 




La première chose que fit le garçon en rentrant chez lui fut de manger un peu et de faire une bonne sieste. Puis il prit un livre qu'il avait commencé depuis un moment déjà. Enfin, il regarda un film à la télé, avant de se coucher pour de bon. 





Le lendemain matin, le garçon eut l'agréable surprise de se réveiller en forme. Il repensa à la fleur. Mais qu'est-ce qui avait pu se passer pour que tout soit gâché ? Il profita de son énergie pour aller voir ses copains et faire du vélo.

Les nuits suivantes, il fut de plus en plus satisfait de bien dormir, et de se lever sans être grognon. Pourtant, la fleur commençait à lui manquer. Il décida d'aller la voir à sa prochaine promenade.






Il arriva au parc en milieu de matinée et trouva la fleur là où il l'avait quittée, à côté des autres. Il sourit et lui dit bonjour. Le garçon put lire toute une panoplie d'émotions sur les pétales de la fleur : de la surprise, de la colère, du soulagement.
- Ce n'est que maintenant que tu reviens ?
- Je pensais t'avoir mise en pétard. J'avais peur que tu n'aies plus envie de me voir mais tu me manquais. Alors me voilà.
- Tu veux dire que tu viens me rechercher ? lui demanda-t-elle, sceptique.
- Euh... Disons que je voulais vraiment te voir. Je n'ai pas envie que tu disparaisses de ma vie.
La fleur fut très flattée par cette déclaration. Elle lui dit :
- Moi non plus je ne veux pas te perdre, je serais très malheureuse de ne plus te voir. J'ai beaucoup apprécié ta compagnie chez toi, et ça m'a fait très plaisir de découvrir ton univers.
- À moi aussi.
- Mais j'en ai parlé avec mes copines, tu sais, et je crois qu'on s'est tout simplement pompé l'air dit-elle avec amusement.
Le garçon rit sans trop savoir pourquoi. Décidément, il reviendrait à coup sûr revoir cette singulière fleur qu'il trouvait toujours aussi belle.